Haute surveillance, une pièce de haut vol
Haute surveillance De Jean Genet Mise en scène de Cédric Gourmelon Avec Pierre Louis-Calixte, Jérémy Lopez, Sébastien Pouderoux, Christophe Montenez Jusqu’au 29 octobre 2017 Du mercredi au dimanche à 18h30 Tarifs : 12 à 23 euros Réservation en ligne ou par tél. au 01 44 58 15 15 Durée : 1h 15 Studio-Théâtre de la Comédie Française |
Jusqu’au 29 octobre 2017
Première pièce de Jean Genet, Haute surveillance nimbe le crime d’une lumière crue. Mise en scène par Cédric Gourmelon, sa poésie transgressive se joue avec un sens aigu du cérémonial sur un damier noir et chair. Trois détenus cohabitent dans l’espace de leur cellule. L’un des trois, nommé Yeux-verts, est condamné à mort pour meurtre. Charismatique et quasiment auréolé de cette sentence extrême, il exerce sur les deux autres ainsi que sur le gardien, une influence qui se transforme en rivalité. En effet, une femme que l’on ne voit pas, celle qu’aime Yeux-verts, exacerbe tous les fantasmes. Le criminel veut écrire à celle qui bientôt sera sa veuve, mais pour cette tache de lettré qu’il n’est pas lui-même, il a recours à Lefranc qui endosse le rôle de l’amant. Fier de cette confiance, celui-ci espère acquérir une forme d’adoubement de la part de celui qu’il admire. Mais Maurice, le troisième, se sent alors acculé à se rehausser à son tour et lui qui n’était qu’un malfrat pas trop méchant, en tout cas certainement pas assassin, s’achemine vers l’acte absolu, le crime. Mais n’est pas criminel qui veut. Le crime ne se décide pas cérébralement ni par stratégie, il relève d’une nature, de l’être intrinsèque qui porte cette possibilité et peut l’assumer. Cette thématique qui est centrale dans l’œuvre de Genet, a été théâtralisée par l’auteur alors qu’il a 22 ans et qu’il est lui-même derrière les barreaux dans la prison de Fresnes. Tout au long de sa vie, il remaniera cet ouvrage, allant jusqu’à en écrire quatre versions. L’option de Cédric Gourmelon est celle de la stylisation et de la sobriété, dirigeant la gestuelle et les déplacements avec une ligne chorégraphique. Les trois hommes évoluent dans un espace nu et noir, balayé au début de la pièce par le quatrième homme qui est le gardien. Le dépouillement du plateau permet un resserrement autour des mots et des corps et seul le gardien qui dispose des clés entrouvre pour le spectateur une fenêtre vers l’extérieur. Le public peut imaginer à son tour cette femme au centre des désirs, tandis qu’Eros et Thanatos se faufilent sur l’échiquier. Les comédiens, par la sobriété de leur jeu et par leurs physiques, corps, regard, voix, laissent sentir dans l’interstice de leurs mouvements les fondements de leur être qui sont aussi les fondements de l’œuvre de Genet : la beauté masculine, la fascination pour le crime, la dissection de la pulsion, l’érotisme des malfrats… Le cérémonial de cette mise en scène rencontre la sacralisation qu’on peut déceler dans le texte. Le mystère du crime qui confine à « une sainteté manquée » disait Jouhandeau, s’énonce à paroles feutrées tandis que la présence sensuelle des quatre comédiens se fait éruptive. Dans ce lieu où règne l’obscurité, il n’est guère que la peau pour apporter la clarté. Et le soin qu’apporte le metteur en scène à cette donnée trouve une large portée grâce à une distribution très réussie. La silhouette longue de Sébastien Pouderoux campe Yeux-verts avec puissance, Jeremy Lopez a le regard d’un enfant naïf pris au jeu risqué des grands, et enfin, Christophe Montenez, dont les bras dénudés jettent une foudroyante lueur de sensualité, incarne Maurice avec un diabolique angélisme. Emilie Darlier-Bournat [Crédits Photos Vincent Pontet collection Comédie-Française] |
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